mercredi 7 octobre 2009

Le Vin, seule machine à remonter le temps qui fonctionne vraiment


Il est toujours intéressant de vérifier comment se comportent les vieux vins, afin d'évaluer leur résistance au temps qui passe ou de constater leur épanouissement. C'est aussi une occasion, rare, de pouvoir faire le point, établir le profil d'un vignoble à un moment donné, de faire apparaître les tendances de fond, d’analyser les conséquences des changements intervenus sur une longue période dans les techniques de vinification ou de culture et ainsi de mesurer, avec du recul, leur incidence sur le vin.

Je ne résiste pas à l'envie de vous faire part notre dernière grande dégustation : 33 millésimes de Lynch-Bages, de 1959 à 2006. C’était mardi dernier, après le ramassage des merlots et avant celui les cabernets.

Les vins étaient servis cinq par cinq, à l'aveugle dans chaque série, en commençant par les millésimes les plus anciens. Dans chaque série, les dégustateurs connaissaient les cinq millésimes servis, mais pas l'ordre dans lequel ils étaient présentés. C'est une organisation que j'aime bien, car elle protège l'anonymat des millésimes tout en respectant une certaine progression dans l'ordre de dégustation. Surprises garanties...

Ce fut une belle journée. Elle nous a montré que Lynch-Bages, grâce à son terroir et à la qualité de ses fruits donne naissance à des vins d'une grande régularité et possède un style très personnel. Un des participants à la dégustation a pu dire que le terroir, par sa qualité intrinsèque, gommait un peu l'effet millésime. En effet, nous fûmes tous frappés de la bonne tenue de certaines années considérés comme petites ou assez moyennes : 1984, 1987, 1993... pour en citer quelques-unes, dont la consommation donne aujourd'hui beaucoup de satisfaction. Cependant, malgré tout, les grands restent les grands. Les 1959, 1989 et 2000 sont pour moi les trois années qui, dans cette belle série, atteignaient le sommet.

Je dirai aussi, très simplement, l'émotion que procure la dégustation de vins qui furent en leur temps élaborés par mon grand-père, par mon père, ou par l'équipe que j'ai réunie à partir de 1974, brillamment emmenée par Daniel Llose, qui participait d'ailleurs à la dégustation. Ce fut pour nous l'occasion d'évoquer nos souvenirs, nos satisfactions comme les problèmes que nous avons eu à résoudre. Avec le recul, nous mesurons combien les choses, à la vigne comme au chai, sont aujourd'hui mieux maîtrisées, mieux comprises, et combien les progrès de la viticulture et de l'oenologie modernes ont facilité notre travail.

Le style des vins apparaît clairement. Vinifiés par mon grand-père Jean-Charles Cazes, les vins de Lynch Bages se distinguèrent très tôt par leur couleur profonde, leur trame tannique mûre et leur caractère hédoniste, à une époque où les vins de Bordeaux se présentaient souvent plus austères. Les millésimes vinifiés par André Cazes (notamment 1966 et 1970) et plus tard par l'équipe que je formais avec Daniel Llose confirmeront cette tendance. Grâce aux conseils d’Emile Peynaud, le style s’affina dans les années 70. Les vins gagnèrent en souplesse et en rondeur. Des années 80 à nos jours, les vins de Lynch Bages affichent une remarquable régularité. Ils confirment, millésime après millésime, le caractère hédoniste qui a fait leur réputation.

En clicquant sur http://www.farrvintners.com/blog.php?blog=26 vous accédez aux notes de dégustation de Stephen Browett, de Farr Vintners. Je le remercie d'avoir pris la peine de les rédiger. Elles sont complètes et détaillées. Même si, sur certains points, elles ne sont pas identiques à celles que j'aurais rédigées, elles s'en rapprochent beaucoup et reflètent bien l'impression générale des participants.

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