samedi 7 novembre 2009

Un Américain à Paris




Craig Stapleton, qui fut ambassadeur des États-Unis à Paris pendant trois ans, laisse en France beaucoup d'amis. Sillonnant le territoire, allant à la rencontre des gens chaque fois qu'il en avait l'occasion, il avait la passion de la gastronomie et du vin. Notre ancien président Valéry Giscard d'Estaing, au lendemain de la publication de son dernier roman, lui a remis il y a quelques jours la croix de commandeur de la Légion d'Honneur, en présence du nouvel ambassadeur, Charles Riskin et de nombreux représentants de la France officielle. Ce fut pour notre Giscard national l’occasion de mettre son époustouflant talent oratoire et pédagogique au service d’une brillantissime fresque des relations franco-américaines. Nombreux étaient dans l'assistance ceux que Craig aima fréquenter pendant ces trois années : les vignerons et les viticulteurs de France. De Bordeaux étaient venus Thierry Manoncourt, fringant nonagénaire, accompagné de Marie-France, Corinne Mentzelopoulos, le jeune Philippe de Rothschild... Du Rhône Marcel Guigal, le jeune Jean-Louis Chave et la charmante Laurence Féraud du domaine de Pegau. Et d'autres, j’en oublie sûrement.


L’an dernier, le "Harry S. Truman", plus grand porte-avions au monde, croisait en Méditerranée. Craig Stapleton m’invita à partager une journée de ses 5700 marins : appontage le matin, catapultage le soir... Je lui dois une des expériences marquantes de ma vie... et quelques fortes sensations !

Il fut à Paris et dans les provinces françaises, pendant une période de relations délicates entre la France et les Etats-Unis, un ambassadeur efficace et très apprécié. Il savait briser les barrières et devint un ami. Ayant regagné son pays, je ne doute pas qu’il sera, au moment où notre marché américain est difficile et vacille un peu, l’ambassadeur convaincu et l'ami lointain de tous les vins de France.

lundi 19 octobre 2009

Tous les chemins mènent à Bages...

Une rumeur se répand dans le village... c’est branle-bas de combat au Café Lavinal : au bar s’est installée, pour un déjeuner sur le pouce accompagné d'un verre de bon vin, une certaine « Pink », dont je dois avouer, à ma grande honte, que je n’ai jamais entendu parler. Vite, Google... qui m'apprend qu’il s’agit d’une demoiselle Alecia Beth Moore, de Doylestown, Pennsylvanie, chanteuse de son état. Elle visite le Médoc accompagnée de son mari Carey Hart, roi du tatouage et champion de moto-cross, rencontré à Las Vegas et épousé sur une plage du Costa-Rica.


Faites donc, comme moi, connaissance avec la reine du pop-rock, qui a la bonne idée de chercher à Pauillac son inspiration :
http://www.pinkspage.com/


Quant à Carey Hart, ce jeune homme bien illustré gagne à être connu ! Cliquez sur :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Carey_Hart pour sa bio, et admirez-le dans ses oeuvres à...

http://video.google.com/videoplay?docid=-951396858852588900#

Avait-il sacrifié ce jour là à quelque grand cru ?


Décidément, plus encore que la gare de Perpignan, Bages est le centre du monde !

samedi 17 octobre 2009

2009 ?

Alors que la nouvelle récolte est depuis quelques jours en sécurité dans nos cuves où se façonne maintenant le millésime, je peux sacrifier à l’usage et donner une première image de nos vendanges, tout juste achevées.
Ni vraiment précoces, ni tardives, elles furent facilitées par le beau temps. Je pourrais vous submerger de dates, de chiffres et de considérations plus ou moins techniques sur la maturité des différents cépages.... J’irai plutôt directement à l’essentiel :

Le travail de récolte effectif (9 jours et demi à Lynch-Bages, 11 jours aux Ormes de Pez), a été étalé sur une période de 18 jours, entre le 23 septembre et le 10 octobre. A la mise en cuve, les moûts de raisins rouges étaient riches en sucre et les degrés potentiels moyens élevés, les plus élevés depuis 50 ans (au moins !) : 13,3 % à Lynch-Bages et 13,2 % aux Ormes de Pez.

Pour moi, du jamais vu... Dès les premières heures de fermentation, nous avons observé des couleurs et des structures analytiques très prometteuses, où tannins et acidités paraissent bien équilibrer l’ensemble. Encore une grande année en perspective.... On va finir par ne plus nous croire !

mercredi 7 octobre 2009

Le Vin, seule machine à remonter le temps qui fonctionne vraiment


Il est toujours intéressant de vérifier comment se comportent les vieux vins, afin d'évaluer leur résistance au temps qui passe ou de constater leur épanouissement. C'est aussi une occasion, rare, de pouvoir faire le point, établir le profil d'un vignoble à un moment donné, de faire apparaître les tendances de fond, d’analyser les conséquences des changements intervenus sur une longue période dans les techniques de vinification ou de culture et ainsi de mesurer, avec du recul, leur incidence sur le vin.

Je ne résiste pas à l'envie de vous faire part notre dernière grande dégustation : 33 millésimes de Lynch-Bages, de 1959 à 2006. C’était mardi dernier, après le ramassage des merlots et avant celui les cabernets.

Les vins étaient servis cinq par cinq, à l'aveugle dans chaque série, en commençant par les millésimes les plus anciens. Dans chaque série, les dégustateurs connaissaient les cinq millésimes servis, mais pas l'ordre dans lequel ils étaient présentés. C'est une organisation que j'aime bien, car elle protège l'anonymat des millésimes tout en respectant une certaine progression dans l'ordre de dégustation. Surprises garanties...

Ce fut une belle journée. Elle nous a montré que Lynch-Bages, grâce à son terroir et à la qualité de ses fruits donne naissance à des vins d'une grande régularité et possède un style très personnel. Un des participants à la dégustation a pu dire que le terroir, par sa qualité intrinsèque, gommait un peu l'effet millésime. En effet, nous fûmes tous frappés de la bonne tenue de certaines années considérés comme petites ou assez moyennes : 1984, 1987, 1993... pour en citer quelques-unes, dont la consommation donne aujourd'hui beaucoup de satisfaction. Cependant, malgré tout, les grands restent les grands. Les 1959, 1989 et 2000 sont pour moi les trois années qui, dans cette belle série, atteignaient le sommet.

Je dirai aussi, très simplement, l'émotion que procure la dégustation de vins qui furent en leur temps élaborés par mon grand-père, par mon père, ou par l'équipe que j'ai réunie à partir de 1974, brillamment emmenée par Daniel Llose, qui participait d'ailleurs à la dégustation. Ce fut pour nous l'occasion d'évoquer nos souvenirs, nos satisfactions comme les problèmes que nous avons eu à résoudre. Avec le recul, nous mesurons combien les choses, à la vigne comme au chai, sont aujourd'hui mieux maîtrisées, mieux comprises, et combien les progrès de la viticulture et de l'oenologie modernes ont facilité notre travail.

Le style des vins apparaît clairement. Vinifiés par mon grand-père Jean-Charles Cazes, les vins de Lynch Bages se distinguèrent très tôt par leur couleur profonde, leur trame tannique mûre et leur caractère hédoniste, à une époque où les vins de Bordeaux se présentaient souvent plus austères. Les millésimes vinifiés par André Cazes (notamment 1966 et 1970) et plus tard par l'équipe que je formais avec Daniel Llose confirmeront cette tendance. Grâce aux conseils d’Emile Peynaud, le style s’affina dans les années 70. Les vins gagnèrent en souplesse et en rondeur. Des années 80 à nos jours, les vins de Lynch Bages affichent une remarquable régularité. Ils confirment, millésime après millésime, le caractère hédoniste qui a fait leur réputation.

En clicquant sur http://www.farrvintners.com/blog.php?blog=26 vous accédez aux notes de dégustation de Stephen Browett, de Farr Vintners. Je le remercie d'avoir pris la peine de les rédiger. Elles sont complètes et détaillées. Même si, sur certains points, elles ne sont pas identiques à celles que j'aurais rédigées, elles s'en rapprochent beaucoup et reflètent bien l'impression générale des participants.

vendredi 2 octobre 2009

Rendez-vous d'octobre

La période des vendanges est toujours en Médoc un moment de rencontre. Le classique déjeuner dont Eva Barton est à Léoville la parfaite hôtesse est une occasion de faire de nouveaux amis et de renouer avec les anciens. Celui d’hier n’a pas failli à la règle. Aux côtés d’Anthony, plus gentleman que jamais, j’ai eu la joie de retrouver Daniel Lawton, l'historique courtier bordelais, May-Eliane de Lencquesaing venue tout exprès de Stellenbosch et Thierry Manoncourt, qui avait fait le long voyage depuis Figeac à Saint-Emilion.


Côte à côte, nous avons tous les cinq vécu les 40 dernières années du levignoble bordelais, 40 formidables années qui ont vu plus de changements dans notre métier que les deux siècles qui les ont précédées. Nos vies professionnelles ont été parallèles. Nous avons connu les mêmes joies, les mêmes difficultés et quelquefois sans doute les mêmes moments de découragement. Nous savons aussi que nous avons eu la chance d’arriver au bon moment, au bon endroit. Mais aucun d’entre nous n’a ensuite dévié de sa route. Au fond, nous sommes heureux d’avoir pu contribuer, chacun à sa place, au renouveau des vins de Bordeaux et à leur succès devenu mondial.

jeudi 1 octobre 2009

Où est passée la cuisine moléculaire ?

Nos avons terminé nos merlots. Sous le soleil d’octobre, les cabernets attendront encore quelques jours. Hier, à l’issue d’une mémorable dégustation "verticale" dont j’aurai l’occasion de parler, nous retrouvons quelques amis à la cuisine de vendanges. Isabelle, la cuisinière, a reçu quelques beaux cèpes cueillis le matin même.

Séchés sur les sarments de vigne puis cuisinés, à la bordelaise, avec un peu de persil et d’échalote, ils escortent les gigots d’agneau que Milou a fait patiemment tournoyer au bout d’une ficelle devant les braises de souches et de sarments. Avec, bien sûr, comme le veut la tradition, quelques haricots pour alléger l’ensemble...

Et du Lynch-Bages 1990 et 1985... versés avec modération.

Le bonheur, simple et rare, comme sont simples et rares les vrais bons moments de la vie !...

mardi 29 septembre 2009

On a marché sur la Lune

Une nouvelle technique de "sélection intra-parcellaire" par photographie satellitaire est mise depuis peu à la portée du vigneron. Rencontre fructueuse du spatial et de notre millénaire métier...

Ce cliché d'une parcelle de Lynch-Bages a été pris cet été par une caméra placée à bord du satellite FORMOSAT-2. Il montre avec une précision étonnante la « vigueur » du feuillage, notion dont nous avons pu vérifier la corrélation avec la maturité du raisin, mesurée par échantillonnage. Pour faire simple : si la couleur tire vers le rouge, la maturité est forte, si elle va vers le vert, il conviendra d'attendre un peu.

On comprend donc l’intérêt de cette technique pour optimiser et planifier le ramassage, non plus par parcelles entières, mais par fractions de parcelles et d'aller ainsi au plus fin, au plus serré. Les raisins sont ainsi vendangés au plus près de la maturité réelle du fruit. Bien sûr, la préparation et la récolte elle-même demandent un travail plus important et une organisation complexe.